مقابلة مع مجلة "Charrette MAG"

Charrette MAG N°:02
مجلة تصدر كل أربعة أشهر يصدرها النادي العلمي والثقافي "Charrette Club" لطلاب EPAU. رابط بالمجلة على الموقع calameo العدد رقم 02 جانفي 2021
هل يمكن أن تولد العمارة الجزائرية من رمادها من جديد ؟
لهذا الإصدار الثاني اخترنا لكم مهندسا معماريا مشهورا للإجابة على تلك الأسئلة التي يسألها معظم طلاب الهندسة المعمارية. هذا المتحدث شرفنا بقبول دعوتنا بدون اطالة، نترككم مع أجوبة السيد إسماعيل ملاوي، حول مسألة مشاكل الهندسة المعمارية الجزائرية.
Question 1 : Parlez-nous de vous, de votre parcours et ce que vous avez vécu, de positif ou de négatif, pour devenir l'architecte que vous été devenu aujourd'hui
Il n’y a vraiment pas beaucoup de choses à dire, en tout cas, je crois que j’ai choisi ce métier très tôt, depuis mon jeune âge. Déjà quand j’étais enfant, je jouais à bâtir des maquettes, mon souvenir de l’immense plaisir que me procurait la construction des choses est toujours présent il est toujours très clair dans ma tête, et Dieu merci, je le retrouve encore à chaque nouveau projet surtout dans les premières phases de la conception.
J’ai fait mes études d’architecture à Zerzara à l’université de Constantine, j’ai obtenu mon diplôme en 1993. Au début, j’ai voulu acquérir un peu d’expérience, donc j’ai travaillé quelque temps dans des bureaux d’études publiques. Très vite, j’ai compris que pour vraiment apprendre il fallait me mettre dans le bain et travailler pour mon propre compte. J’ai ouvert mon agence d’architecture à Batna en 1999.
Les premiers temps, j’ai senti qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas, je ne savais pas quoi, mais il y avait comme un malaise. J’avais l’impression de ne pas faire de l’architecture, en tout cas pas celle que j’ai apprise à l’université.
Une fois j’ai vu une expérience intéressante, des gens dans une salle d’attente tous complices attendaient qu’une personne qui n’avait pas été mise au parfum les rejoignît, là ils se mettaient à exécuter des mouvements absurdes en totale synchronisation, la nouvelle personne faisait de même sans comprendre ni même se poser de questions. Je crois, en quelque sorte et sans le vouloir, que je suis devenu cette personne-là à faire la même chose que les autres à répéter leurs erreurs et à prendre un même chemin bien qu’au plus profond de ma conscience j’étais convaincu que c’était la mauvaise direction.
Par chance à un moment donné, j’ai été amené à collaborer avec une grande agence d’architecture étrangère, sur des concours d’architectures à Alger. Pour moi, c’était le déclic, j’ai vu qu’ils faisaient tout simplement de l’architecture, celle que je comprenais, celle que j’ai aimée, celle que j’ai étudiée sur les bancs de l’université : l’art de concevoir des espaces et d’édifier des bâtiments dans le respect des règles de construction ainsi que des concepts d’esthétiques, sans oublier les aspects sociaux et environnementaux liés au fonctionnement et à l’environnement.
Aujourd’hui, j’ai compris que faire de l’architecture c’est essayer de trouver des solutions à des équations très complexes. Et que cette architecture est bonne, quand elle arrive à déconstruire toute cette complexité en s’expliquant de manière simple claire et épurée. En tous cas, c’est ce que je m’applique à faire tous les jours dans mon travail.
Question 2 : Dans les temps où l'architecture connait des révolutions dans le monde, nous remarquons une poussée de projets de collectif en Algérie tels des champignons, mais qui, la plupart du temps, se ressemblent, où réside donc le problème selon vous
Je n’aime pas ce mot : “révolution”, je lui préfère : évolution, et quand je dis que je ne l’aime pas il ne faut surtout pas se méprendre, il s’agit seulement du domaine de l’architecture, dans d’autres domaines je pourrais l’adorer.
C’est juste, le constat que vous faites est vrai et commence à dater. En même temps, on voit tous cette évolution constante imperturbable, sur un chemin clairement tracé, vers une modernité multiple à caractère technologique dominant. De l’ordre et de la clairvoyance absents de chez nous.
Moi je pense que le problème essentiellement est dans notre politique face aux difficultés que connait notre pays, une politique qui privilégie la quantité au détriment de la qualité. Une politique qui donne l’impression de n’avoir aucune vision du futur qui réagit au jour le jour sans vraiment planifier de vraies solutions à long terme.
On a été toujours pris au dépourvu, devant la demande croissante de logements. En raison de l’importante croissance démographique dans notre pays. En raison aussi des mouvements massifs d’immigration vers les villes qui se sont produit en Algérie depuis les années 1950 et qui n’ont jamais cessaient à ce jour, certes avec une intensité plus ou moins variable.
C’est pourquoi toutes nos réponses ont toujours été élaborées dans l’urgence pour répondre à des problématiques considérées urgentes. Malheureusement, ces solutions ne pouvaient être que quantitatives.
C’est un problème qui fait partie d’une multitude d’autres problèmes que connait la société algérienne. Cette même société, a déjà entamé, un certain 22 février 2019, un processus, qui, j’en suis convaincu, par effet de boule de neige créera une nouvelle dynamique saine, nourrie par un moteur très puissant qui n’est autre que sa jeunesse.
Quant à cette RÉVOLUTION, je suis très optimiste. Pour moi, ce n’est qu’une question de temps. Nous savons tous que l’évolution est la seule constante, vouloir maintenir un système dépassé, et parler d’une “nouvelle Algérie”, sans faire de vrais et profonds changements, sans s’inscrire dans le cours de l’histoire, ne pourra que retarder l’inéluctable. Il ne s’agit, malheureusement en fin de compte pour nous, que d’alourdir la facture à payer.
J’espère sincèrement que de plus en plus d’acteurs effectifs prennent conscience des enjeux et rallient réellement le mouvement historique en marche, pour qu’enfin, toutes solutions proposées deviennent applicables et efficaces.
Question 3 : Pourquoi le paysage urbain en Algérie est-il brique ? Où réside le problème de la non-finition des habitations en Algérie
La plupart de nos villes offrent ce paysage rouge composé de façades en briques non finies, surtout dans les nouveaux quartiers, là où se trouvent des lotissements destinés aux constructions individuelles.
À mon avis le problème est complexe, mais pour essayer de le comprendre, on peut toujours grouper les raisons qui l’engendrent sous trois groupes principaux :
Des raisons économiques, qui font que les chantiers de construction s’éternisent. Les gens construisent leur maison par tranche selon leurs économies. La plupart entament les projets de construction sans avoir réuni le budget nécessaire, en plus la majorité ne fait pas confiance aux banques. Ils préfèrent utiliser uniquement leurs propres moyens financiers et réaliser au départ juste leurs besoins spatiaux principaux puis exécuter des extensions étalées dans le temps selon l’évolution de leurs besoins et les moyens dont ils disposent. Ce qui laisse le problème des finitions, littéralement le dernier de leurs soucis.
Des raisons culturelles. L’algérien, de manière générale, privilégie son intérieur sur son extérieur, le fonctionnement sur l’esthétique. Cette façon de voir à tendance à s’inverser surtout dans la société urbaine moderne, mais de manière faible j’ai envie de dire pratiquement négligeable. Je crois que ça vient de nos liens toujours très forts avec nos traditions. Je peux donner l’exemple d’une quelconque maison dans un quelconque tissu traditionnel, soit dans le nord ou dans le sud du pays et comparer le rapport de sa façade à sa taille on obtiendra toujours un nombre qui tend vers zéro, c’est que les maisons traditionnelles sont introverties et collées les unes aux autres, tout le contraire d’une maison contemporaine.
L’absence de l’état. Depuis la décennie noire, l’état ne fait que perdre du terrain, avec une légitimité de plus en plus discutable, il n’arrive pas à rétablir la confiance du citoyen. Et puisqu’il le sait, il ne fait pratiquement que tenter d’acheter la paix sociale en fermant les yeux sur les manquements et le non-respect de la règlementation de l’urbanisme. Le citoyen, lui aussi est conscient de la situation et sait pertinemment qu’il peut régler tous ses problèmes administratifs de manières déférentes.
Cette absence de contrôle a généré le chaos et le désordre dans nos villes, et je crois que c’est là que réside essentiellement le problème, et c’est donc par là aussi qu’on peut commencer une réflexion sérieuse à l’élaboration de solutions appropriées.
Mellaoui Smail
